Rapport 2024 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques
Les incendies et les inondations frappent de plein fouet les populations démunies, il est temps pour le monde de renforcer les mesures d'adaptation au changement climatique
Résumé analytique
Face à l’intensification des impacts climatique, les mesures d’adaptation mises en œuvre ne permettent toujours pas de répondre aux besoins. La vingt-neuvième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 29) à Bakou offre une excellente occasion d’infléchir cette trajectoire.
Les impacts climatiques toujours plus extrêmes et récurrents donnent la mesure de l’enjeu, alors que les températures moyennes mondiales approchent rapidement les 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels et que les mesures d’atténuation sont loin d’être à la hauteur de l’ampleur et de l’ambition nécessaires pour atteindre les objectifs de température à long terme fixés dans l’Accord de Paris. Étant donné que le réchauffement conduit à une multiplication des impacts climatiques, les coûts visant à réduire les risques au moyen de mesures d’adaptation augmentent, tout comme la probabilité que des risques résiduels se manifestent sous forme de pertes et de préjudices. Les populations pauvres et vulnérables, notamment les femmes et les groupes défavorisés, sont les plus durement touchées par ces impacts climatiques. Il est donc plus urgent que jamais de déployer des mesures d’atténuation efficaces et adaptées qui soient justes et équitables. En renforçant les composantes d’adaptation dans leur troisième ensemble de contributions déterminées au niveau national (CDN), qui devront être soumises en février 2025, les Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) peuvent mettre en lumière leurs priorités en matière d’adaptation ainsi que les moyens nécessaires à leur réalisation.
Le Rapport 2024 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques dresse une évaluation annuelle des progrès accomplis en matière de planification, de mise en œuvre et de financement de l’adaptation. Il montre que, en dépit des timides progrès réalisés dans la planification de l’adaptation, les pays en développement accusent en général un certain retard dans la mise en œuvre en raison des écarts énormes entre les besoins et les flux de financement. Ce constat s’avère particulièrement pertinent dans le contexte de la définition du nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement de l’action climatique, lequel sera établi dans le cadre de la COP29 à Bakou. Toutefois, compte tenu de l’ampleur de la tâche, cet objectif ne constituera qu’une partie de la solution. Il faudra également adopter des approches innovantes et des mécanismes favorables permettant de mobiliser des ressources financières supplémentaires pour combler le déficit de financement de l’adaptation. Outre le financement, il convient de renforcer les capacités et le transfert de technologies, mais aussi d’améliorer l’efficacité des mesures d’adaptation. Étant donné que la Présidence assurée par l’Azerbaïdjan a fait des moyens de mise en œuvre un pilier central de la COP29, le rapport de cette année contient des informations plus approfondies sur la situation et les tendances en matière de renforcement des capacités et de transfert de technologies, ainsi que sur la manière dont leur amélioration peut contribuer à accroître l’efficacité de la planification et de la mise en œuvre de l’adaptation. Enfin, le rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques ayant vocation à présenter régulièrement des données actualisées sur les indicateurs pertinents eu égard à la réalisation de l’objectif mondial en matière d’adaptation, le Rapport 2024 fait état des conclusions qui peuvent d’ores et déjà être tirées concernant plusieurs cibles définies dans le Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale qui a été convenu à l’occasion de la COP28 à Dubaï.
À cette fin, le présent résumé analytique s’articule autour de quatre sections couvrant les principaux thèmes abordés dans le Rapport 2024 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques, à savoir : 1) les progrès accomplis en matière de planification, de mise en œuvre et de financement de l’adaptation ; 2) les mesures visant à combler le déficit de financement de l’adaptation ; 3) le renforcement des capacités et du transfert de technologies pour accroître l’efficacité des mesures d’adaptation ; et 4) les éclairages relatifs à plusieurs aspects du Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale.
La qualité de la planification de l’adaptation s’améliore, mais il sera difficile de parvenir à une couverture mondiale des instruments nationaux de planification de l’adaptation.
Compte tenu de l’attention accrue qui a été accordée à la planification de l’adaptation et des investissements dont elle a fait l’objet au cours des deux dernières décennies, 171 pays (87 %) se sont dotés d’au moins un instrument national dans ce domaine (qu’il s’agisse d’une politique, d’une stratégie ou d’un plan). 51 % d’entre eux en ont adopté un deuxième et 20 % un troisième (figure ES.1). Cependant, bien que 16 des 26 pays qui ne disposent d’aucun instrument national de planification sont en train d’en concevoir un, 10 pays ne semblent pas s’engager dans ce processus. Sept d’entre eux occupent un rang élevé dans l’Indice des États fragiles, ce qui suggère qu’ils sont confrontés à des situations de fragilité internes, à des conflits ou à des tensions géopolitiques. Pour combler le déficit et atteindre la cible relative à la planification de l’adaptation définie dans le Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale, il faudra accroître le soutien en faveur de ces États fragiles et touchés par des conflits. Par ailleurs, étant donné que l’action de ces pays sera probablement entravée par la faiblesse de leurs institutions, le soutien dont ils bénéficieront devra comprendre un renforcement significatif et continu des capacités et des institutions.
Outre la couverture, la qualité des instruments de planification constitue un indicateur important pour évaluer l’efficacité potentielle de leur mise en œuvre. Selon une analyse des plans nationaux d’adaptation soumis au Secrétariat de la CCNUCC, l’efficacité potentielle de la planification de l’adaptation est mitigée. La plupart des pays ont défini plusieurs priorités axées sur des risques spécifiques, sectoriels et climatiques ainsi que sur des facteurs favorisant la mise en œuvre des actualisent les instruments existants. Enfin, une analyse de mesures d’adaptation, tout en accordant une attention particulière à l’inclusion et à la participation, notamment des groupes historiquement défavorisés, tels que les femmes, les populations autochtones et les communautés locales. Toutefois, des lacunes ont été observées en ce qui concerne la fiabilité des données disponibles ainsi que les délais et les coûts affectant la concrétisation des priorités en matière d’adaptation. Ainsi, il existe une marge d’amélioration considérable, alors que les pays adoptent de nouveaux instruments nationaux de planification de l’adaptation ou la correspondance entre les plans nationaux d’adaptation et les contributions déterminées au niveau national élaborés par les pays indique que la plupart d’entre eux ne sont que partiellement alignés (68 %), tandis que 16 % ne le sont pas du tout. Lorsque les pays actualiseront leurs contributions déterminées au niveau national, il faudra en particulier veiller à ce que ces deux instruments soient en adéquation afin qu’ils se renforcent mutuellement, favorisent des investissements plus stratégiques et permettent d’éviter les doubles emplois.
Figure ES.1 Évolution de la publication d’instruments politiques nationaux en matière d’adaptation

Les progrès en matière de mise en œuvre de l’adaptation sont lents et compromis par certains problèmes. Les pays doivent accroître leurs ambitions pour se préparer à l’augmentation des risques climatiques.
Les informations relatives à la mise en œuvre des mesures d’adaptation disponibles dans différentes sources de données révèlent d’importantes fluctuations annuelles, mais celles-ci aboutissent à une légère progression au fil du temps (figure ES.2). Toutefois, compte tenu de la rapidité avec laquelle les changements climatiques se font sentir, il est urgent d’intensifier le soutien en faveur de la mise en œuvre de l’adaptation. Accorder une attention et un soutien accrus à l’adaptation lors du prochain cycle de contributions déterminées au niveau national pourrait contribuer à accroître les ambitions et renforcer les actions des pays dans ce domaine. Outre la mise en œuvre stagnante de l’adaptation, les évaluations finales des mesures déployées avec le soutien des mécanismes financiers de la CCNUCC et de l’Accord de Paris montrent que près de la moitié d’entre elles sont jugées soit non satisfaisantes sur le plan des résultats, soit peu susceptibles d’être viables sans que des fonds soient alloués aux différents projets à plus long terme. L’analyse des rapports relatifs aux progrès accomplis dans la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national fait état de résultats mitigés ainsi que de divers obstacles institutionnels, réglementaires, financiers et liés aux capacités qui limitent la progression. Les pays parviennent en principe à surmonter les difficultés initiales et indiquent avoir réalisé d’importantes avancées en ce qui concerne la portée des mesures en cours de mise en œuvre. Toutefois, les données relatives aux résultats et à l’efficacité de la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national demeurent très limitées. Tous les pays qui ont évalué la pertinence de leurs mesures d’adaptation estiment qu’elles sont insuffisantes par rapport à l’ampleur des risques climatiques.
Figure ES.2 Progrès accomplis dans les projets d’adaptation soutenus par les mécanismes financiers de la CCNUCC et de l’Accord de Paris

Remarque : en 2023, les financements ont chuté d’environ 250 millions de dollars des États-Unis (É.-U.) par rapport à 2022, mais les investissements réalisés jusqu’en août 2024 montrent déjà des signes de reprise.
Le déficit de financement de l’adaptation demeure abyssal, et le combler constitue une priorité du nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement de l’action climatique.
Les flux de financement publics internationaux de l’adaptation en faveur des pays en développement sont passés de 22 milliards de dollars É.-U. en 2021 à 28 milliards de dollars É.-U. en 2022. Il s’agit de l’augmentation annuelle la plus élevée en valeur absolue et relative depuis l’adoption de l’Accord de Paris. Cette augmentation illustre les progrès accomplis au regard de la composante d’adaptation du Pacte de Glasgow pour le climat (figure ES.3), lequel a exhorté les pays développés parties à au moins doubler, d’ici à 2025, leur contribution collective au financement de l’adaptation au changement climatique en faveur des pays en développement parties par rapport aux niveaux atteints en 2019. Toutefois, d’autres augmentations significatives sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Même si l’on parvient à ce doublement, le déficit de financement de l’adaptation ne sera réduit que d’environ 5 %. Ce déficit doit être pris en compte dans la définition du nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement de l’action climatique, lequel doit être établi avant 2025. Selon une comparaison des besoins de financement de l’adaptation (estimés entre 215 et 387 milliards de dollars É.-U. par an dans le Rapport 2023) par rapport aux flux de financement publics internationaux de 2022, il subsiste un déficit de financement de l’adaptation très important. Cependant, l’évaluation du déficit est limitée par des données insuffisantes en ce qui concerne les flux financiers provenant des secteurs publics et privés nationaux, deux sources majeures de financement de l’adaptation. Il convient en outre de noter qu’au cours de la dernière année pour laquelle nous disposons de données, le coût des intérêts de la dette dans les pays en développement (à l’exception de la Chine) était plus élevé que les besoins estimés de financement de l’adaptation, ce qui pourrait être l’occasion de procéder à une restructuration de la dette pour contribuer à soutenir le processus d’adaptation.
Pour relever le défi climatique, il faudra accroître le financement de l’adaptation, mais aussi adopter une approche plus stratégique en matière d’investissement.
Le Rapport 2024 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques examine de manière plus approfondie le déficit de financement actuel et les différents types d’adaptation nécessitant des fonds, et pas seulement le montant total du financement. À cette fin, il présente une typologie des difficultés rencontrées en matière d’adaptation et de financement (figure ES.4). La figure montre qu’il est généralement plus facile de financer des mesures d’adaptation « sans regret », réactives et progressives (en haut à gauche) ainsi que dans les secteurs commerciaux (en bas à gauche). À l’inverse, il est plus difficile de financer des mesures d’adaptation anticipatives et transformatrices (en haut à droite) ainsi que dans les secteurs non commerciaux, en particulier lorsqu’elles doivent bénéficier aux populations les plus vulnérables (en bas à droite). Cette remarque s’applique à tous les financements (y compris à ceux provenant d’institutions financières publiques nationales et internationales), mais en particulier aux financements issus du secteur privé. Toutefois, pour relever le vaste défi des changements climatiques, le financement de l’adaptation, traditionnellement axé sur des mesures réactives, progressives et fondées sur des projets (en haut à gauche), doit désormais cibler des mesures d’adaptation plus anticipatives, stratégiques et transformatrices (en haut au centre et à droite). Cela implique de mener davantage d’interventions dans les domaines plus difficiles à financer et à développer. Aborder l’adaptation de la même manière que l’atténuation, c’est-à-dire en se concentrant sur des solutions techniques ou les domaines les plus faciles à financer, ne permettra pas de mettre en œuvre les mesures d’adaptation nécessaires, ou de les mettre en œuvre à l’échelle requise.
Figure ES.3 Comparaison des besoins de financement de l’adaptation, des coûts modélisés de l’adaptation et des flux de financement publics internationaux de l’adaptation dans les pays en développement

Figure ES.4 Types d’adaptation et facilité du financement afin de mieux cerner les contributions possibles du secteur privé

Source : modifié par les auteurs en s’appuyant sur Watkiss (2024).
Seul environ un tiers du déficit de financement de l’adaptation est associé à des domaines généralement financés par le secteur privé, mais il existe encore de nombreuses possibilités d’investissements privés.
Plus de deux tiers des coûts/besoins de financement estimés concernent des domaines qui sont généralement financés par le secteur public au moyen de sources internationales ou nationales (étant donné qu’ils présentent les caractéristiques d’un bien public) ou des secteurs sociaux et non commerciaux. Ainsi, en l’absence de nouveaux financements publics (internationaux et nationaux) ou d’approches de financement innovantes, il sera difficile de mettre en œuvre la plupart des priorités des pays en matière d’adaptation (telles que définies dans les contributions déterminées au niveau national et les plans nationaux d’adaptation). En parallèle, un tiers des coûts/besoins de financement modélisés portent sur des domaines pouvant faire l’objet de financements privés, notamment dans divers secteurs commerciaux comme l’agriculture commerciale, l’eau et les infrastructures. Toutefois, même dans de tels cas, le secteur public doit souvent recourir à des financements publics pour réduire les risques et stimuler les investissements privés. Le secteur privé investira également dans les domaines qui ne sont pas suffisamment pris en compte dans les estimations actuelles sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation, notamment les besoins en infrastructures du secteur privé ainsi que les besoins accrus en climatisation et les répercussions sur la productivité du travail liée aux températures.
Il est essentiel de mettre en place des mécanismes favorables pour accroître le financement de l’adaptation, en particulier dans le secteur privé.
Compte tenu des obstacles qui entravent l’adaptation, il convient d’instaurer des mesures favorables qui permettront de débloquer des financements en faveur de l’adaptation, dans les secteurs public et privé. Dans le cadre de ce rapport, un certain nombre de facteurs les plus efficaces pour mobiliser des financements ont été examinés et identifiés.
▶ Premièrement, des approches inédites et de nouveaux instruments financiers sont mis au point afin de remédier à certaines difficultés en matière d’adaptation, en définissant plus précisément les résultats escomptés dans ce domaine ou en créant des incitations stimulant les investissements, notamment des mécanismes de financement des risques, des instruments associés à des assurances, des subventions visant à renforcer la résilience climatique fondées sur les performances, des crédits favorisant la résilience, des dispositifs de conversion de dettes en mesures d’adaptation, des paiements pour les services liés aux écosystèmes, des mécanismes axés sur le travail contre l’imposition et des obligations en matière de résilience.
▶ Deuxièmement, différentes mesures favorables ont été mises en place dans le secteur public, notamment la création de fonds et de mécanismes de financement, des outils de planification et d’étiquetage budgétaires en faveur du climat, l’intégration dans la planification du développement national et les cadres de dépenses à moyen terme, et la planification des investissements en matière d’adaptation. Elles pourraient en outre s’accompagner de diverses réformes proposées par les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement.
▶ Troisièmement, les mesures favorables dans le secteur privé comprennent l’élaboration de cadres d’information sur les risques climatiques et de taxonomies de l’adaptation ainsi que la planification de la transition. Parmi ces mesures figurent également les nouvelles approches et les instruments financiers visant à atténuer les risques liés aux financements du secteur privé en utilisant des financements publics (mixtes). Elles peuvent être soutenues par des mécanismes d’accélération et des plateformes tirant parti de nouveaux modèles et instruments, et contribuer à la conception de projets susceptibles d’être financés.
Toutefois, toutes ces activités favorables exigeront de mobiliser les capacités et les financements nécessaires pour les mettre en œuvre. Cela signifie en outre que les financements publics à des conditions favorables disponibles sont soumis à de nombreuses exigences, telles que la mise en œuvre d’une adaptation publique plus ambitieuse, la réduction des risques liés aux investissements privés et le soutien des catalyseurs. Fondamentalement, les financements publics internationaux à des conditions favorables disponibles doivent être utilisés de manière beaucoup plus stratégique.
La question de savoir qui doit supporter les coûts liés à l’adaptation n’est pas suffisamment prise en compte dans les discussions actuellement menées sur le financement de l’adaptation.
Les flux de financement de l’adaptation bénéficiant aux groupes les plus vulnérables de la société présentent des profils très différents au niveau infranational. Ces différences s’avèrent pertinentes dans le cadre des négociations internationales relatives à la définition du nouvel objectif collectif quantifié et des flux de financement de l’annexe 1 en faveur des pays en développement. Le rapport aborde cette problématique et examine de manière plus approfondie la question de savoir qui supporte les coûts liés au financement de l’adaptation et qui en bénéficie, en s’appuyant sur une analyse des flux du prêteur au bénéficiaire intermédiaire (gouvernement, banque, secteur privé) et jusqu’aux groupes touchés dans un pays figurant parmi les moins avancés (figure ES.5). À l’exception du modèle fondé sur des subventions (en haut) dans le cadre duquel l’organisme international de financement assume l’ensemble des coûts, tous les autres modèles exigent du pays en question qu’il supporte la plupart des coûts d’adaptation. Par conséquent, si des financements supplémentaires permettent de réduire le déficit de financement de l’adaptation, cette méthode ne respecte ni le principe de responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives (un principe fondamental de la CCNUCC) ni le principe du « pollueur payeur ». Enfin, dans ce contexte, il convient en outre de noter que le financement de l’adaptation doit tenir compte de l’égalité des genres et de l’inclusion sociale de manière beaucoup plus concrète afin d’éviter de perpétuer les inégalités existantes.
Figure ES.5 Qui supporte les coûts de l’adaptation dans les pays les moins avancés ?

Le renforcement des capacités et le transfert de technologies sont essentiels pour améliorer les mesures d’adaptation dans les pays en développement, mais des incertitudes subsistent en ce qui concerne leur efficacité.
Outre le financement, il est primordial de renforcer les capacités et le transfert de technologies pour mettre en œuvre des mesures d’adaptation plus efficaces. Cependant, bien que les références aux besoins en matière de capacités et de technologies soient omniprésentes dans les documents relatifs à la CCNUCC, tels que les plans nationaux d’adaptation et les évaluations des besoins technologiques, les efforts actuellement déployés sont souvent non coordonnés, onéreux et à court terme et les données ne sont pas suffisantes pour pouvoir évaluer leur efficacité. Afin de mieux comprendre comment ces deux moyens de mise en œuvre peuvent être renforcés et déployés de manière coordonnée, il est primordial de remédier à certaines lacunes importantes en matière de connaissances. Par exemple, les questions visant à déterminer quelles capacités et technologies sont pertinentes pour qui et comment les développer et les transmettre ne sont pas suffisamment étudiées, ce qui rend difficile la formulation de recommandations bien fondées. Une meilleure intégration, un soutien ciblé et une coopération Sud-Sud, Nord-Sud et triangulaire plus efficace permettraient de combler ces lacunes, autant de mesures qui pourraient être précisées dans la version révisée des contributions déterminées au niveau national et des plans nationaux d’adaptation des pays.
Pour combler l’écart entre les besoins en matière de capacités et de technologies et les niveaux d’action sur le terrain, il convient de remédier à plusieurs difficultés multidimensionnelles.
Différents facteurs diminuent l’efficacité du soutien actuellement fourni. Parmi les plus fréquents figurent les contraintes économiques et financières liées à des investissements initiaux très coûteux, les difficultés à obtenir des prêts et les incertitudes concernant la rentabilité des investissements réalisés. Ces contraintes concernent en particulier les technologies nécessitant des investissements de capitaux importants, tels que les systèmes d’irrigation alimentés par l’énergie solaire pour lesquels les coûts relativement élevés d’installation et d’entretien empêchent souvent leur déploiement à grande échelle. Par ailleurs, les cadres juridiques et réglementaires peuvent poser de grandes difficultés en exigeant l’adoption de politiques nationales plus solides, rationalisées et de soutien afin de favoriser le développement ainsi que le transfert des technologies et des compétences considérées comme importantes par les pays en développement. Dans des secteurs tels que l’agriculture et l’eau, où les conditions locales sont déterminantes, des capacités techniques limitées conjuguées à un manque d’infrastructures, d’information et de sensibilisation se traduisent souvent par de faibles taux d’adoption. Des financements supplémentaires sont nécessaires pour remédier à ces difficultés et certains d’entre eux pourraient être couverts par des investissements du secteur privé. En outre, il est primordial de renforcer les capacités en matière de planification et de mise en œuvre ainsi que les mécanismes favorables sous-jacents, ce qui nécessite une planification et des efforts coordonnés au niveau national et infranational afin d’exploiter au maximum les possibilités de mettre les technologies et les capacités en faveur du climat au service de l’adaptation.
Un renforcement des capacités et un transfert des technologies plus efficaces permettraient d’accélérer la planification et la mise en œuvre de l’adaptation.
Les recommandations essentielles qui suivent ont été formulées en s’appuyant sur l’évaluation figurant dans le rapport afin d’assurer un renforcement des capacités et un transfert des technologies plus efficaces :
- ▶ Premièrement, les interventions visant à appuyer le renforcement des capacités doivent consister dans un premier temps à identifier les capacités endogènes existantes et à les mobiliser, à assurer un équilibre entre les capacités « matérielles » (par exemple les technologies) et « immatérielles » (par exemple les conditions favorables) et à accorder une place centrale aux considérations relatives à l’égalité des genres et à l’inclusion sociale.
- ▶ Deuxièmement, il faudra disposer d’une base de données beaucoup plus solide pour orienter les interventions de renforcement des capacités et définir les priorités en matière de transfert de technologies. Cette base doit comprendre des données issues du suivi et de l’évaluation pour déterminer quelles approches fonctionnent, pour qui et à quel moment, le véritable coût des interventions et le niveau actuel des besoins en matière de renforcement des capacités et de transfert des technologies.
- ▶ Troisièmement, les plans de renforcement des capacités et de transfert de technologies doivent appuyer l’adaptation dans divers secteurs, à différentes échelles et en tenant compte des priorités de développement, mais aussi contribuer à accroître les capacités favorisant un changement transformateur. Les priorités actuelles sont souvent trop strictes, techniques et axées sur le respect d’engagements internationaux ou la lutte contre des crises immédiates, ce qui limite les efforts visant à opérer un changement plus profond.
- ▶ Quatrièmement, l’efficacité du transfert de technologies repose sur son intégration dans une stratégie de développement plus large et sa prise en compte dans une évaluation connexe des besoins en matière de renforcement des capacités. Les stratégies d’adaptation doivent être élaborées en se fondant sur une compréhension globale des besoins, plutôt qu’en mettant l’accent sur une technologie spécifique.
Figure ES.6 Objectifs, processus et mesures favorables en matière d’adaptation

Source : adapté du Réseau mondial des plans nationaux d’adaptation (2023) et du Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale.
La prise en compte de ces recommandations dans les efforts visant à renforcer les capacités et le transfert de technologies permettra d’accroître l’efficacité de la planification et de la mise en œuvre de l’adaptation, surtout si ces activités font l’objet de financements supplémentaires qui sont nécessaires de toute urgence.
Les pays progressent dans la réalisation des objectifs définis dans le Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale, mais des efforts accrus seront nécessaires pour les atteindre dans les délais impartis.
Le Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale, qui a été convenu à l’occasion de la COP28 à Dubaï, vise à suivre les progrès accomplis vers la concrétisation de l’objectif mondial en matière d’adaptation. Le rapport annuel sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques ayant pour but de rendre compte des progrès accomplis dans la planification et la mise en œuvre de l’adaptation, le Rapport 2024 fait état des conclusions qui peuvent d’ores et déjà être tirées concernant les objectifs thématiques et dimensionnels fixés dans le nouveau cadre, tout en sachant que les indicateurs qui seront utilisés pour évaluer les progrès doivent encore être définis et convenus.
- ▶ Premièrement, quasiment tous les plans nationaux d’adaptation font référence à au moins un des objectifs thématiques établis dans le cadre et près d’un tiers à des éléments relatifs aux objectifs dimensionnels. À l’exception de l’éradication de la pauvreté et de la protection de l’héritage culturel, les objectifs thématiques sont bien pris en compte, tandis que les objectifs dimensionnels ne reçoivent actuellement pas la même attention ou sont encadrées différemment (figure ES.7). Par exemple, si la mise en œuvre de mesures d’adaptation est mentionnée dans moins d’un quart des plans nationaux d’adaptation, elle est largement évoquée dans le contexte de l’intégration des plans et processus de développement sectoriel nationaux et infranationaux, y compris la budgétisation. De même, si la plupart des besoins sectoriels en matière de capacités correspondent aux objectifs thématiques, les besoins en capacités sous jacents ne sont pas toujours définis en tenant compte des objectifs dimensionnels du cadre (figure ES.6).
- ▶ Deuxièmement, l’analyse des plans nationaux d’adaptation montre en outre que les informations sur les impacts, les vulnérabilités et les risques futurs sont disparates, qu’elles couvrent au mieux un sous-ensemble de secteurs, et qu’elles sont souvent présentées sous l’angle des lacunes en matière de données et de connaissances. Le manque de capacités et de technologies permettant d’évaluer le caractère complexe des impacts climatiques empêche de garantir une prise de décisions efficace. Il sera donc impératif de combler ces lacunes afin d’aider les pays à atteindre l’objectif relatif à l’évaluation des effets, des vulnérabilités et des risques défini dans le cadre d’ici 2030. Il faudra en outre accompagner les pays dans la mise en place de systèmes d’alerte précoce multirisques, de services d’information climatique visant à réduire les risques et de mécanismes d’observation systématique afin d’améliorer les données, les informations et les services liés au climat.
- ▶ Troisièmement, si près de neuf pays sur dix disposent désormais d’au moins un instrument national de planification de l’adaptation, le rapport montre que des efforts considérables devront être déployés pour parvenir à une couverture mondiale d’ici 2030, compte tenu de la lenteur actuelle des progrès réalisés pour combler cet écart. Par ailleurs, bien que de nombreux pays concrétisent actuellement leurs priorités en matière d’adaptation, il est trop tôt pour évaluer le rythme de leur mise en œuvre, d’autant plus que nombre d’entre eux ne sont dotés d’aucun cadre de suivi, d’évaluation et d’apprentissage. Enfin, étant donné que la qualité des instruments de planification et les niveaux de mise en œuvre sont variables au regard de la fiabilité des données, de la couverture sectorielle, des possibilités de mise en œuvre et de l’inclusion, on ignore encore si les pays parviennent à réduire les effets sociaux et économiques des principaux risques climatiques.
En conclusion, s’il est difficile d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs thématiques en l’absence d’indicateurs et de critères spécifiques, l’adoption de calendriers précis pour la concrétisation des objectifs dimensionnels montre que les efforts en matière d’évaluation des impacts, des vulnérabilités et des risques, de planification, de mise en œuvre, de suivi, d’évaluation et d’apprentissage doivent être intensifiés si l’on entend atteindre ces objectifs.
Figure ES.7 Pourcentage de plans nationaux d’adaptation comprenant des priorités en matière d’adaptation en lien avec les objectifs thématiques et dimensionnels abordés du Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique
