Photo by UNEP/ Miranda Grant
05 Jun 2023 Blogpost Chemicals & pollution action

Les États africains ont les moyens et les outils pour bâtir un avenir sans pollution plastique

Photo by UNEP/ Miranda Grant

Cet article d’opinion a initialement été publié en anglais dans The Nation Africa.

Dans le monde entier, les villes, les océans et les paysages sont envahis par les déchets plastiques, créant des risques pour la santé humaine, menaçant la biodiversité et déstabilisant le climat. C’est pourquoi à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement 2023, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) appelle chaque individu à agir pour mettre fin à la pollution plastique.

L’humanité produit environ 430 millions de tonnes de plastique par an et cette production est en hausse. Les systèmes de recyclage ne peuvent pas faire face à ce volume, et les taux de recyclage sont inférieurs à 10 %. Nous ne pouvons pas espérer sortir de cette crise par l’entremise du recyclage. Nous devons complètement repenser la façon dont nous utilisons, produisons, recyclons et éliminons les plastiques, ce qui commence par éliminer autant que possible le plastique, et les substances chimiques nocives qui y sont associées, présent dans les produits et emballages.

Ce travail a démarré l’année dernière à l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement à Nairobi, lorsque les États membres ont convenu d’entamer des négociations en vue d’élaborer un accord juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. La deuxième session des discussions relatives à cet accord viennent de s’achever, et ont conduit à l’établissement d’un mandat visant à élaborer un avant-projet de l’accord qui sera négocié au siège du PNUE à Nairobi plus tard cette année.

Le Kenya, comme le reste du continent africain, aura un rôle essentiel à jouer dans cet accord, en particulier parce que cet accord est né au Kenya. En particulier parce que c’est dans les pays d’Afrique, et d’autres pays en développement, que les problèmes d’injustice concernant la pollution plastique se posent. Nous pouvons le constater dans des lieux tels que la décharge de Dandora dans le continent, où des ramasseurs informels de déchets mettent leur santé en danger pour gagner à peine de quoi vivre.

La forte implication du Groupe des négociateurs africains dans le processus de négociation souligne la détermination de l’Afrique à mettre fin à la pollution plastique. Les États africains peuvent accroître l’ambition de l’accord, ce qui suppose de focaliser l’attention de tous et toutes sur cette refonte des pratiques. Il est nécessaire de repenser les produits pour utiliser moins de plastique, en particulier de matières plastiques inutiles et problématiques ; de repenser le conditionnement des produits pour utiliser moins de plastique ; de repenser les systèmes et produits en faveur de la réutilisation et de la recyclabilité afin que, par exemple, les polymères recyclés aient plus de valeur que les nouveaux polymères ; et de repenser le système dans son ensemble en mettant l’accent sur l’équité, afin que des groupes tels que celui des travailleurs du secteur informel des déchets accèdent à des emplois décents et jouissent d’un environnement sain.

L’ambition passe par l’augmentation des faibles taux de collecte de déchets de l’Afrique. Elle suppose d’investir en faveur d’infrastructures de recyclage et de gestion des déchets afin de traiter les plastiques qui ne peuvent pas être éliminés par la conception ou réutilisés. L’ambition suppose de s’attaquer à la pollution plastique héritée présente dans nos océans et qui continue de s’échouer sur les côtes des pays africains. L’ambition doit également être synonyme de solidarité, afin que les pays en développement possèdent les ressources financières nécessaires.

Les États africains peuvent également promouvoir une démarche ambitieuse en partageant leurs savoirs. Des centaines de millions d’Africains ont déjà des pratiques vertueuses au quotidien. La population réutilise et répare des produits, des habitudes et une culture qui doivent être réappris partout ailleurs, là où le consumérisme consistant à « extraire, fabriquer, utiliser et jeter » est devenu la norme. En Afrique, des initiatives créatives émergent : par exemple, au Rwanda, le Gouvernement a aidé des usines locales à se lancer dans la production de matériaux à partir de bambou et de papier après avoir interdit les sacs en plastique à usage unique.

Ce type d’initiatives permettra aux États africains d’aller vers un avenir sans plastiques, en inventant des solutions novatrices en ce qui concerne la fabrication, le conditionnement et la conception de la même manière que le Kenya avait été un précurseur en ce qui concerne l’argent mobile. Les gouvernements africains peuvent promouvoir les transformations nécessaires à l’échelle nationale et internationale en diffusant ces pratiques, et en veillant à ce que la législation promeuve de nouveaux modèles commerciaux au lieu d’une régression vers la production de plastique à usage unique. Le respect de la législation est également important, et il est très positif de constater que la National Environment Management Authority du Kenya [Autorité kenyane de gestion environnementale] agit contre les plastiques à usage unique illicites.

La Journée mondiale de l’environnement 2023 offre une occasion au Kenya, à l’Afrique et au monde entier de se mobiliser et de s’engager à agir davantage. Les gouvernements doivent parvenir à un accord de qualité pour mettre fin à la pollution plastique. L’industrie et le secteur privé doivent innover pour éloigner leurs modèles commerciaux des plastiques. Les consommateurs peuvent réduire la demande en refusant le plastique lorsque c’est possible. Une action dirigée par des communautés peut avoir de l’influence, ces dernières utilisant leur voix pour exposer publiquement des idées positives.

L’action pour mettre fin à la pollution plastique est une formidable occasion. Si nous agissons dans une même direction, nous pouvons virtuellement éliminer la pollution plastique à l’horizon 2040 ; réduire les coûts sur les plans social, environnemental et de la santé humaine ; créer des centaines de milliers d’emplois, principalement dans les pays en développement ; et faire émerger de nouveaux marchés et des possibilités commerciales.

Tout le monde y gagnera, à condition que nous assurions une transition juste pour les pays en développement et les groupes tels que celui des travailleurs du secteur informel des déchets. Ainsi, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, j’appelle chaque individu à rejoindre le mouvement mondial afin de mettre fin à la pollution plastique, une fois pour toutes.

 

Inger Andersen est la Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement.