Photo: Wikimedia/Andrey Giljov
04 Oct 2022 Récit Nature Action

6 espèces sauvées des prémices de l'extinction grâce à la restauration d'écosystèmes

Photo: Wikimedia/Andrey Giljov

Partout dans le monde, sur terre et dans les océans, l'effondrement des populations de plantes, d'animaux et d'insectes fait craindre que la planète Terre n'entre dans sa sixième extinction de masse, avec des conséquences catastrophiques pour l'homme et la nature.

Sur les 8 millions d'espèces recensées dans le monde, un million (en anglais) sont menacées d'extinction. Les services éco-systémiques essentiels au bien-être de l'homme, notamment l'approvisionnement en nourriture et en eau douce et la protection contre les catastrophes et les maladies, s'érodent dans de nombreux endroits.

Mais l'espoir n'est pas perdu. Dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, des efforts sont en cours pour redonner vie à des habitats terrestres et marins malmenés, des montagnes aux mangroves en passant par les forêts et les terres agricoles.

Outre les avantages essentiels qu'ils procurent aux populations, les écosystèmes restaurés servent de refuge à de nombreuses espèces menacées. Voici six mammifères, reptiles et oiseaux menacés sortis de l'ornière de l'extinction grâce à la restauration.

L'antilope Saïga s'impose

A small saiga antelope
Un faon d'antilope saïga au Kazakhstan. Après un décès massif inquiétant en 2015, les saïgas ont connu un baby-boom ces dernières années. Photo : Unsplash/Dasha Urvachova

De la taille d'une chèvre et dotée d'un long museau, l'antilope saïga parcourait autrefois par millions les prairies d'Europe et de Chine. Mais la chasse excessive, la perte d'habitat et de voies de migration, ainsi que les épidémies ont réduit leur nombre à des populations résiduelles au Kazakhstan, en Russie et en Mongolie.

Les efforts de restauration, notamment l'initiative de conservation Altyn Dala au Kazakhstan, protègent et revitalisent quelque 7,5 millions d'hectares de steppes, de semi-déserts et de déserts et donnent déjà des résultats. Malgré la disparition massive de 200 000 saïgas en 2015, la population kazakhe a rebondi, passant de moins de 50 000 animaux en 2006 à plus de 1,3 million aujourd'hui.

Les gorilles se hissent

A gorilla in tall grass
Grâce aux mesures de conservation, de restauration et de santé animale, le nombre de gorilles a doublé au cours des 30 dernières années. Photo : PNUE

Confinés à deux forêts brumeuses d'Afrique centrale, on ne compte plus qu'un milliers de gorilles de montagne à l'état sauvage. Pourtant, ce chiffre représente une augmentation constante depuis les années 1980 et une récompense pour le travail conséquent de protection et de restauration qui se traduit par des revenus touristiques pour les autorités et les communautés des zones protégées.

La moitié des gorilles restants vivent dans le massif des Virunga, constitué de volcans, dont la zone protégée tripartite chevauche les frontières de l'Ouganda, du Rwanda et de la République démocratique du Congo. Les menaces, notamment l'insécurité, le changement climatique et les maladies, font que les grands singes sont toujours en danger.

Les travaux de restauration dans la région ont permis de réhabiliter plus de 1 000 hectares dans le parc national des gorilles de Mgahinga, en Ouganda, en éliminant les arbres exotiques afin de permettre le retour des espèces forestières indigènes, et il est prévu d'en restaurer beaucoup plus dans la région.

Les jaguars à la tâche

Jaguars playing at a reintroduction center in Argentina.
Des jaguars jouent dans un centre de réintroduction en Argentine. Photo : Rafael Abuin

Si la nécessité de préserver l'Amazonie attire une attention méritée, la restauration d'une forêt voisine moins connue, la forêt atlantique, fait l'objet d'une attention particulière. Plus de 80 % de la vaste forêt qui s'étendait le long de la côte brésilienne et jusqu'au Paraguay et à l'Argentine a été perdue au profit de l'agriculture, de l'exploitation forestière et des infrastructures.

Des efforts de restauration de grande envergure sont en cours pour contrer la fragmentation sévère de ce haut lieu de la biodiversité. Ils comprennent la régénération de la forêt sur des terres abandonnées et la création de corridors pour la faune sauvage entre les zones protégées, des stratégies qui aident à préserver des prédateurs comme les jaguars et les margays, qui sont presque menacés.

La population de jaguars la plus méridionale du monde se trouve dans la région du Haut Paraná de la forêt atlantique, à cheval sur les frontières entre le Brésil, l'Argentine et le Paraguay. Ici, la réduction de la déforestation et la restauration de milliers d'hectares d'anciennes terres forestières ont permis une augmentation de la population de jaguars d'environ 160 % depuis 2005 (en anglais).

Laissons le dugong brouter en paix

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Un dugong se nourrit d'un lit d'herbes marines, principale source de nutrition de l'animal. Photo : Unsplash/Ray Aucott

La restauration des écosystèmes est tout aussi importante dans l'eau que sur la terre ferme. Dans l'océan, les habitats vitaux détruits et dégradés comprennent les prairies sous-marines, essentielles aux espèces marines, notamment aux dugongs, ainsi que pour les poissons qui font vivre les communautés côtières du monde entier.

Les dugongs, similaires à des dauphins, dont l'expression douce et le goût pour les eaux peu profondes pourraient être à l'origine de vieux contes de sirènes, ont disparu d'une grande partie de leur vaste aire de répartition en raison de la chasse, de l'enchevêtrement dans les engins de pêche et de la disparition des herbiers dont ils se nourrissent.

Mais la restauration et la protection des derniers bastions, qui comprennent l'Australie, le Mozambique et le golfe Persique, permettent d'espérer que le seul mammifère herbivore de l'océan puisse éviter l'extinction. Aux Émirats arabes unis, par exemple, Abu Dhabi prévoit de restaurer 12 000 hectares supplémentaires de mangroves, de récifs coralliens et de prairies sous-marines, en plus des 7 500 hectares déjà restaurés.

Un serpent pas si rare

A small female antiguan racer snake
L'alsophis antiguae, autrefois le serpent le plus rare du monde, a fait un incroyable retour en force. Photo : Wikimedia/Antiguan Racer

Les animaux et les plantes uniques aux îles et aux archipels sont particulièrement vulnérables à l'extinction, comme l'étaient les moas géants sans ailes de Nouvelle-Zélande ou la rougette de Maurice et de la Réunion. Mais les îles sont aussi un terrain fertile pour la restauration écologique des espèces menacées.

L'alsophis antiguae est un serpent inoffensif endémique de la nation des deux îles d'Antigua-et-Barbuda. Les mangoustes non indigènes introduites dans les années 1890 pour lutter contre les rats se sont régalées de ces serpents et de leurs proies, les lézards, si bien qu'en 1995, il ne restait plus qu'une cinquantaine d'alsophis antiguae sur un seul îlot au large.

Depuis, les efforts de restauration ont permis de débarrasser plusieurs îles des prédateurs envahissants, ramenant leurs écosystèmes vers un état naturel, et les alsophis antiguae comptent désormais plus de 1 100 individus (en anglais) répartis sur quatre sites. Les colonies d'oiseaux sur les îles ont également connu un rétablissement spectaculaire grâce à l'élimination des prédateurs.

Les butors sans embûches

A bird in tall grass
L'emblématique butor, camouflé dans son habitat de zone humide. Photo : Société royale pour la protection des oiseaux (RSPB)

Au Royaume-Uni, la restauration des processus naturels dans des zones humides dégradées et sur d'anciens sites industriels a permis de faire revivre un oiseau d'eau emblématique, tout en offrant des possibilités de repos et de loisirs aux habitants des centres urbains voisins.

Le cri perçant du butor résonne à nouveau dans les lacs et les roselières de nombreuses zones humides d'Angleterre, y compris dans les anciennes mines de charbon et gravières converties en réserves naturelles. C'est tout un revirement pour un oiseau qui, il y a 20 ans, était au bord de l'extinction au Royaume-Uni.

À travers le monde, les zones humides sont le type d'écosystème le plus fortement dégradé. Depuis 1970, 35 % des zones humides naturelles ont disparu et, sur les 18 000 espèces dépendant des zones humides intérieures évaluées pour la liste rouge de l'UICN, environ un quart sont menacées au niveau mondial.

À propos de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (CDB COP15) : Des écosystèmes sains et riches en biodiversité assurent la vie sur Terre. Malgré la valeur que la nature apporte, elle se détériore dans le monde entier - un déclin qui devrait s'aggraver avec les scénarios de maintien du statu quo. Du 7 au 19 décembre, le monde se réunira à Montréal pour la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) afin de conclure un accord historique pour guider les actions mondiales en matière de biodiversité jusqu'en 2030. Ce cadre devra définir un plan ambitieux qui mette en œuvre une action de grande envergure dans tous les secteurs pour s'attaquer aux principaux facteurs de perte de la nature et faire en sorte que, d'ici à 2050, la vision commune d'une vie en harmonie avec la nature soit réalisée.

À propos de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes : La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) vise à prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes sur chaque continent et dans chaque océan. Elle peut contribuer à mettre fin à la pauvreté, à lutter contre le changement climatique et à prévenir une extinction massive. Elle ne sera couronnée de succès que si chacun y participe. Découvrez ce que vous pouvez faire pour participer à la #GénérationRestauration.