30 Oct 2018 Récit Nature Action

La recherche sur les champignons dévoile que certains organismes sont capables de décomposer le plastique

Les champignons pourraient-ils nous aider à résoudre notre dépendance au plastique ? C'est ce que croient les scientifiques des jardins botaniques royaux Kew près de Londres. Le premier rapport sur la situation des champignons dans le monde intitulé : State of the World’s Fungi (en anglais), publié par les jardins botaniques royaux de Kew et une équipe d'environ 100 scientifiques originaires de 18 pays, dévoile que certains champignons sont capables de dégrader le polyuréthane en quelques semaines.

Leur capacité à éliminer le plastique a été découverte l'an dernier par une équipe de scientifiques de Chine et du Pakistan, qui cherchaient à isoler les champignons capable de dégrader le polyuréthane sur un site d'élimination des déchets à Islamabad. Les champignons en question étaient des Aspergillus tubingensis, les scientifiques ont pu observer la manière dont ils dissociaient les liaisons entre les différents polymères en quelques semaines, au lieu des décennies nécessaires au plastique pour se désintégrer naturellement.

Cette découverte émerge alors que les peuples du monde entier s'interrogent sur le sens de notre culture de la consommation effrénée, ayant entraîné une marée toxique de plastiques nuisibles à la vie marine et responsables de pollution dans les océans du monde entier. Les auteurs du rapport font valoir que les champignons méritent une plus grande attention de la part des spécialistes et affirment que des recherches plus poussées sur ces organismes souvent négligés pourraient apporter des réponses à certains des plus grands défis de l’humanité. Il pourrait en effet exister jusqu'à 3,8 millions d'espèces de champignons, mais seulement 144 000 d'entre elles ont été répertoriées. 

« Ce royaume mystérieux et caché sous-tend la majorité de la vie sur terre », explique Dc Ilia Leitch, scientifique principale aux jardins botaniques royaux de Kew. « Nous n'en savons pas assez sur la diversité fongique… Les cellules végétales contiennent des champignons et ils peuvent avoir une influence sur la résistance d’une plante au changement climatique. Nous tenons tout simplement pour acquis tous ces différents liens et impacts, mais nous les ignorons à nos risques et périls », a-t-elle déclaré.

Selon Ilia Leitch, d'autres champignons et micro-organismes sont également à l'étude en raison de leur potentiel de décomposition d'autres types de plastique. « Si nous comprenions comment les champignons dissolvent ces liens et quelles sont les conditions optimales pour que cela se produise, nous pourrions alors accélérer la vitesse à laquelle cela se fait. »

Tous les ans, au moins 8 millions de tonnes de plastique se retrouvent dans nos océans, se décompose parfois en microplastiques minuscules qui pénètrent dans notre chaîne alimentaire et ont des effets encore inconnus. Dans le cadre de sa campagne Océans Propres, ONU Environnement a mobilisé les gouvernements, les entreprises et les citoyens afin de réfléchir à la manière dont nous produisons, utilisons et gérons les plastiques à usage unique.

Le rapport des jardins botaniques royaux de Kew illustre le type de réflexion pionnière au cœur de la quatrième Assemblée des Nations Unies pour l'environnement qui aura lieu en mars, l'année prochaine. Le thème de la conférence sera en effet le suivant : Des solutions innovantes pour relever les défis environnementaux et garantir la consommation et la production durables. Son slogan sera : pensons à la planète, vivons différemment : réfléchir au-delà des schémas en vigueur et vivre selon les limites durables de la planète afin de relever les défis environnementaux et assurer un avenir prospère.

Le rapport des jardins botaniques royaux de Kew cherche certainement à aller au-delà de ce que l'on sait sur les champignons, organismes qui digèrent leur nourriture de l'extérieur en sécrétant des enzymes dans l'environnement et en absorbant la matière organique dissoute dans leurs cellules.

« Le message que nous voulions faire passer est qu’il existe une très grande diversité (fongique)… Ce qui est clair, c’est que les champignons jouent un rôle très important (dans le fonctionnement des écosystèmes) et il n’est pas inconcevable d'affirmer que le monde ne fonctionnerait pas sans ces champignons », déclare Ilia Leitch.

En plus de recycler les nutriments et d'aider les plantes et les cultures à pousser efficacement, les champignons nous fournissent des composés produisant des antibiotiques, des statines pour traiter le cholestérol et des immunosuppresseurs.

Certains champignons (les endophytes et mycorhizes) peuvent aider les plantes à faire face à des stress importants tels que l’augmentation de la température et la sécheresse. Les progrès réalisés dans leurs applications agricoles pourraient se traduire par une amélioration de la sécurité alimentaire, une durabilité environnementale et l'augmentation des revenus de production.

Cependant, les champignons eux-mêmes sont également menacés par le changement climatique, en particulier l'élévation de la température dans les hautes latitudes telles que l'Arctique. Ces changements affectent déjà leur reproduction, leur répartition géographique, leur activité et aura de possibles répercussions sur nos écosystèmes.

Nous disposons de plus en plus de preuves démontrant que le changement climatique a des conséquences sur l’aire de répartition géographique des espèces et la biodiversité d’une manière que nous ne comprenons pas encore. « Les espèces réagissent différemment au changement climatique, ce qui perturbe leur délicate interaction », affirme Niklas Hagelberg, expert d'ONU Environnement sur le changement climatique et les écosystèmes. « Cela complique encore la conservation, nous devons rapidement incorporer le changement climatique à nos efforts de gestion des écosystèmes. »

Le financement de la recherche, qui devient plus restreint et plus ciblé, constitue un obstacle à la poursuite de la recherche sur les champignons, et l'expertise en taxonomie des champignons (leur classification) est en déclin, déplore Ilia Leitch. « Nous n’avons pas l’image emblématique du panda géant », dit-elle. « Il existe des champignons incroyables, mais en termes d’image, il est parfois difficile de les vendre. Mais peut-être pouvons-nous le faire en faisant comprendre aux gens le rôle potentiel des champignons pour relever ces défis environnementaux. »

En amont de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement qui aura lieu en mars prochain, ONU Environnement exhorte tout le monde à penser à la planète et à vivre différemment. Rejoignez le débat sur les médias sociaux en utilisant le mot-dièse #SolutionsInnovantes, partagez vos histoires et découvrez ce que font les autres pour assurer un avenir durable à notre planète.