30 Sep 2020 Récit Nature Action

L'avenir est circulaire : la réelle signification de la biodiversité

Les petits changements ne sont pas suffisants, affirme Doreen Robinson, cheffe du service de la vie sauvage du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Il est temps d'opérer une transformation à l'échelle systémique. Le jour du sommet des Nations unies sur la biodiversité, Mme Robinson explique en quoi nous avons fait fausse route et comment nous pouvons faire mieux.

Pourquoi parlons-nous de biodiversité aujourd'hui, alors que nous sommes en pleine une pandémie mondiale, que les économies sont poussées à leurs limites et la crise climatique est imminente ?

À l'heure où nous parlons, plus d'espèces que jamais auparavant sont menacées d'extinction. Les phénomènes météorologiques extrêmes, les incendies, les inondations et les sécheresses, sont plus fréquents et plus intenses et les zoonoses comme COVID-19 représentent désormais la majorité des maladies infectieuses qui apparaissent chez l'homme.

Ce sont les symptômes d'un problème systémique, et cela nécessite une solution systémique. Nous devons recalibrer complètement notre relation avec la nature, et nous devons le faire de toute urgence. La biodiversité est le fondement de toute vie sur terre.

Comment la biodiversité affecte-t-elle les expériences réelles des gens dans leur vie quotidienne ?

La biodiversité touche à peu près tous les aspects de la vie humaine, de la sécurité de l'emploi et de la santé de base à la sauvegarde de la planète pour les générations futures.

Plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB) (rapport en anglais) mondial dépend de la nature. Les trois quarts de tous les types de cultures vivrières, y compris les fruits et légumes et certaines des plus importantes cultures commerciales, comme le café et les amandes, nécessitent la pollinisation animale. Environ la moitié de la population mondiale dépend principalement des médicaments fournis par la nature et la plupart des médicaments utilisés pour traiter le cancer sont soit naturels, soit inspirés de la nature. Il existe donc un lien direct et une relation entre la biodiversité et certains aspects très fondamentaux de la survie. 

Il y a également un aspect important à long terme, préventif, que nous connaissons très bien aujourd'hui. Là où la biodiversité indigène est élevée, par exemple, le taux d'infection de certaines zoonoses est plus faible. La protection des habitats naturels et de la faune sauvage est donc aussi un moyen de nous protéger nous-mêmes. La biodiversité est également à la base d'écosystèmes sains. Les écosystèmes sains capturent et stockent les gaz à effet de serre et atténuent le changement climatique, tandis que les écosystèmes endommagés libèrent du carbone et en ajoutent.

Lorsque nous travaillons avec la nature, elle travaille avec nous. Et lorsque nous travaillons contre la nature, nous démantelons le système même qui nous soutient et nous protège.

Que voulez-vous dire exactement quand vous dites "recalibrer notre relation avec la nature" ?

Les actions humaines ont généralement été façonnées par un paradigme dans lequel une "vie heureuse" signifie une consommation matérielle et une croissance économique perpétuelle. Pendant des décennies, nous avons extrait des ressources naturelles, détruit des habitats essentiels et généré de la pollution. Notre relation avec la nature est déséquilibrée : l'être humain prend et rejette sans cesse, et la nature donne sans cesse. Cette relation à sens unique n'est pas durable.

Nous devons donc rétablir l'équilibre : il ne s'agit pas uniquement d'accumuler des bénéfices, mais d'investir autant dans la nature que ce que nous en prélevons. Il est temps d'élaborer un nouveau paradigme qui reconnaisse la valeur de la nature et comprenne que la qualité de vie n'est pas uniquement une question de PIB. Au lieu d'une approche linéaire dans laquelle les choses sont utilisées et rejetées, nous devons appliquer une pensée circulaire dans laquelle la vie est maintenue et les choses sont continuellement réorientées. Nous devons penser à ces choses dans tous les choix que nous faisons, depuis la manière dont nous sélectionnons et livrons les aliments que nous cultivons et mangeons jusqu'à la manière dont nous construisons nos villes et fournissons l'eau et l'électricité à notre population humaine croissante.

Pour résoudre un problème systémique il faut une solution systémique. Il faut recalibrer notre relation avec la nature.

Doreen Robinson, Cheffe de la section vie sauvage du PNUE

Dans le contexte actuels des défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, et avec tant d'emplois et d'industries dépendant des modèles économiques traditionnels, ce type de changement spectaculaire est-il possible ?

Non seulement il est possible, mais c'est aussi notre seul espoir.

Outre les défis mondiaux sans précédent auxquels nous sommes confrontés, la perte de biodiversité rend difficile la garantie des droits de l'homme les plus fondamentaux : une alimentation nutritive, une eau propre et une énergie abordable. Cela compromet les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable. Et sans un changement fondamental de notre approche, il est peu probable que nous puissions maintenir le réchauffement climatique dans des limites sûres, un échec qui ne ferait qu'amplifier les défis auxquels nous sommes confrontés à l'avenir.

Cela peut sembler contre-intuitif mais, en fait, il est temps de prendre les choses au sérieux, précisément en raison des défis qui se présentent à nous. En période d'incertitude, la biodiversité est une forme d'assurance, qui nous offre des options et nous protège des chocs.

Elle crée également des opportunités pour de nouveaux emplois, des innovations et garantit des vies meilleures et plus saines. Et en donnant la priorité aux secteurs à forte intensité de ressources dans la transition vers une consommation et une production durables, nous avons la possibilité de réaliser des gains très importants sur une période relativement courte.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement : quelles sont les actions spécifiques à entreprendre ?

Cela signifie qu'il faut traduire les bonnes intentions en actions concrètes.

Alors que les pays du monde entier lancent diverses initiatives d'après-crise et des plans de relance, nous devons inclure la nature dans ces plans de relance. Cela signifie que le capital naturel doit être inclus dans la prise de décision. Cela signifie qu'il faut investir dans les emplois verts, notamment dans les domaines de la protection et de la restauration des écosystèmes. Le moment est venu d'établir de nouvelles normes de production et de consommation favorables à la nature. Et nous devons investir dans les dimensions environnementales des approches intégrées de santé unique afin d'éviter de futures pandémies et d'autres crises de santé humaine. Nous pouvons mieux reconstruire, mais seulement si nous joignons les actes à la parole.

Dans le même temps, nous ne pouvons pas nous permettre de réduire nos engagements en faveur d'un nouveau cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020, ambitieux et responsable, que l'ensemble de la société puisse soutenir.   

Canaliser les financements et les investissements à long terme vers la nature et la santé climatique. Actuellement, les gouvernements du monde entier dépensent chaque année plus de 500 milliards de dollars des É-U qui nuisent à la biodiversité, principalement pour le soutien des industries telles que les combustibles fossiles, l'agriculture et la pêche. Ces fonds pourraient être réaffectés pour encourager l'agriculture régénératrice, les systèmes alimentaires durables, les technologies propres et les innovations favorables à la nature.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Doreen Robinson : doreen.robinson@un.org

 

 

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