08 Oct 2020 Récit Climate Action

Le changement climatique : La preuve en chiffres

Ce nouvel outil du du PNUE, ‘World Environment Situation Room’, fournit des données en temps réel sur les niveaux de PM2,5 dans le monde, renseignant ainsi les scientifiques, les décideurs politiques et les citoyens.

Le mois dernier, alors que les incendies continuaient de faire rage dans l'Ouest américain, Pascal Peduzzi, climatologue au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) à Genève, a suivi la situation de la qualité de l'air à Mammoth Lakes, une ville située dans les montagnes de la Sierra Nevada en Californie.

Le mercredi 23 septembre, sur la route de Ranch Road, la mesure des PM2,5, le comptage des particules en suspension dans l'air d'un diamètre inférieur à 2,5 micromètres, a atteint 501 mg par mètre cube (µg/m3) d'air. C'est à dire 50 fois plus que le seuil considéré comme sûr par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la mesure moyenne des PM2,5 sur une année. C'est plus de 20 fois le niveau considéré comme sûr pour une période de 24 heures.

"Je n'ai jamais vu un niveau aussi élevé", affirme M. Peduzzi.

Le scientifique ne se trouvait pas en Californie, ni aux États-Unis. Il était en Suisse, à plus de 9 000 km de là. Néanmoins, lui et toute personne disposant d'une connexion Internet peuvent maintenant suivre en détail les niveaux de PM2,5 dans la zone d'incendie de la côte ouest, et à travers la planète, grâce à "la salle de situation mondiale de l'environnement" (World Environment Situation RoomWESR) du PNUE. Ce portail en ligne offre un suivi en temps quasi réel de la qualité de l'air à l'échelle mondiale.

 

WESR
Photo : UNEP

"Le but de cette plateforme était de se connecter aux gens", affirme Sean Khan, expert en matière de pollution de l'air du PNUE à Nairobi. "Elle a été conçue pour inspirer et stimuler l'action, qu'il s'agisse de communautés essayant de convaincre les décideurs politiques d'agir ou vice versa".

En août, à la suite de températures record, des éclairs provoqués par de violents orages ont entraîné des incendies en Californie, en Oregon et à Washington. Fin septembre, ces incendies avaient consumé plus de 2 millions d'hectares de terres dans les trois États. Ils avaient détruit plus de 7 000 structures et fait au moins 40 morts.

"Actuellement, on compte cinq feux actifs qui figurent parmi les incendies plus destructeurs de l'histoire de l'État", a déclaré le 11 septembre Gavin Newsom, le gouverneur de Californie, debout dans un air enfumé au milieu d'arbres brûlés.

Les incendies ont rejeté de fines particules dans l'atmosphère. En plus de générer cet extraordinaire ciel orange que l'on voit dans les reportages télévisés, des études ont établi un lien entre des niveaux élevés de PM2,5 et toute une série de problèmes de santé. Il s'agit notamment de l'asthme, des inflammations respiratoires, de la détérioration des fonctions pulmonaires et même du cancer.

Une étude menée sur une période de sept ans (de 2000 à 2007) aux États-Unis a indiqué que la durée de vie moyenne s'allonge de 0,35 an pour chaque diminution de 10 µg/mde PM2,5. Une autre, qui a suivi 1,2 million d'adultes américains pendant 26 ans de 1982 à 2008, a révélé que la mortalité due au cancer du poumon augmentait de 15 à 27 % lorsque les concentrations atmosphériques de PM2,5 augmentaient de 10 µg/m3

"Si vous êtes une personne souffrant de complications pulmonaires, alors vous êtes vulnérable, vous êtes en danger", a déclaré M. Khan. Le portail WESR Air comprend une application mobile qui offre des prévisions hyperlocales hebdomadaires et quotidiennes en plus d'alertes personnalisées pour les PM2,5.

Les incendies de forêt de cette année aux États-Unis ne sont pas un phénomène météorologique isolé, mais reflètent un climat en évolution.

Au cours des 20 dernières années, la Californie a connu plus d'années de sécheresse, selon l'indicateur à cinq indices du système de suivi des sécheresses aux États-Unis (US Drought Monitor (USDM)), qu'elle n'en a connu sans sécheresse. Les classements de l'USDM vont de D0, une zone connaissant une sécheresse de courte durée, à D4, une zone connaissant "des pertes exceptionnelles et généralisées de récoltes et de pâturages, des risques d'incendie et des pénuries d'eau qui entraînent des situations d'urgence".

Il y a eu des sécheresses entre 2001 et 2005, 2007 et 2010, et de 2012 à 2017. Elles se sont intensifiées avec le temps. La période la plus grave, entre janvier 2014 et janvier 2017, a entraîné un grave déficit en eau, tant dans le sol que dans les aquifères souterrains.

"C'est définitivement un changement de climat, ce n'est plus un événement extrême de 10%", a déclaré Pascal Peduzzi. Le changement climatique a des effets en cascade : les températures plus chaudes génèrent plus d'évaporation, asséchant les sols et la végétation, les rendant à leur tour plus vulnérables aux incendies. Les incendies eux-mêmes contribuent à émettre du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, en plus des particules, contribuant ainsi au changement climatique.  

"Des sols secs, pratiquement aucune précipitation, un peu de vent, quelqu'un qui allume un barbecue, et voilà", ajoute M. Peduzzi. "C'est la catastrophe assurée".  

La plateforme WESR est une collaboration entre l'ONU et la société suisse IQAir, qui exploite sa propre plateforme de surveillance de la qualité de l'air.

En zoom arrière maximum, elle montre une carte de la planète, avec des flèches représentant les vents et la qualité de l'air dans des zones particulières représentées par un système d'ombrage ; le vert est bon, le jaune modéré, l'orange malsain pour les groupes sensibles.

Le rouge représente des conditions malsaines, tandis que deux tons de violet indiquent des niveaux très malsains et dangereux. Vendredi dernier, 5 185 211 024 personnes, soit 66,4 % de la population mondiale, ont été exposées à un air pollué au-delà des limites recommandées par l'OMS. Ce chiffre est mis à jour toutes les quatre heures.

En zoomant, on arrive à des cercles contenant des chiffres, d'abord des lectures moyennes de PM2,5 dans une région, puis des capteurs individuels comme celui de Ranch Road à Mammoth Lakes. Les icônes de flammes montrent les feux en cours de combustion. Vendredi, le taux de PM2,5 sur Ranch Road était tombé à 32,8 µg/m3

Cependant, une station de surveillance mobile à Pollock Pines, plus au nord dans la Sierra Nevada, enregistrait 706,4 µg/m3. La saison des feux de forêt aux États-Unis n'est pas encore terminée.