Photo: Wikimedia Commons
26 Aug 2022 Récit Nature Action

Les efforts de restauration menés par Abu Dhabi sont une lueur d'espoir pour les dugongs menacés d'extinction.

Photo: Wikimedia Commons

La volonté de protéger et de restaurer les écosystèmes le long de la côte d'Abu Dhabi, dans les Émirats arabes unis (EAU), offre un nouvel espoir (en anglais) pour les dugongs, car les scientifiques ont déclaré cette semaine que ce mammifère marin rare était fonctionnellement éteint en Chine.

Selon les experts, le plan d'Abu Dhabi consistant à restaurer 12 000 hectares supplémentaires de mangroves, de récifs coralliens et de prairies sous-marines pourrait donner un répit à la deuxième plus grande population mondiale du seul mammifère herbivore de l'océan. Les tortues de mer et les communautés locales pourraient également bénéficier de la relance de la pêche et du tourisme.

"La présence ou l'absence de dugongs nous en dit long sur la santé d'un écosystème, sa diversité et les niveaux de pollution", a déclaré Mirey Atallah, chef du service Climat pour la nature du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

"L'initiative d'Abu Dhabi est un modèle en ce sens qu'elle vise la restauration à la fois sur terre et en mer, ce qui profite non seulement aux dugongs mais aussi aux personnes vivant dans cette zone", ajoute Mme Atallah. "Avec le changement climatique, la pollution et d'autres facteurs de stress, les dugongs risqueraient de mourir de faim comme leur cousin le lamantin en Floride. C'est une initiative louable que nous espérons voir reproduite dans d'autres herbiers marins." 

Seul mammifère herbivore de l'océan, les dugongs ressemblent aux dauphins, mais avec un nez plus large et une queue en forme de baleine. Avec leur expression douce, leurs mouvements lents et leur préférence pour les eaux peu profondes, les marins en proie aux tempêtes les prenaient pour des sirènes dans les siècles passés.

Autrefois régulièrement signalés dans les eaux tropicales et subtropicales, de l'Afrique de l'Est au Vanuatu, les dugongs ont été durement touchés par la chasse, la perte d'habitat et l'enchevêtrement dans des engins de pêche mortels. Ils se sont déjà éteints dans certaines régions et sont considérés comme vulnérables à l'extinction sur le plan mondial.

Dernier revers en date, des scientifiques ont conclu cette semaine que l'espèce s'était "éteinte de manière fonctionnelle" en Chine, ce qui signifie que s'il en reste, ils sont trop peu nombreux pour survivre longtemps. Sur près de 800 pêcheurs chinois interrogés, seuls trois ont déclaré avoir vu un dugong au cours des cinq dernières années. La dernière observation vérifiée sur le terrain remonte à 2000, selon l'étude (en anglais).

Les populations de dugongs sont en net déclin dans de nombreux autres pays (en anglais), notamment au Kenya, au Japon et en Indonésie. Mais le projet d'Abu Dhabi espère inverser cette tendance en restaurant les écosystèmes côtiers qui englobent les très importants herbiers marins dont se nourrissent les dugongs.

Situés au sud-ouest du golfe Persique, les écosystèmes côtiers et le secteur traditionnel de la pêche de l'émirat sont soumis à de nombreuses pressions, qu'il s'agisse du dragage, de la récupération des terres pour la construction de logements et le développement industriel ou de la pollution due à l'industrie pétrolière de la région.

L'initiative d'Abu Dhabi est un modèle en ce sens qu'elle vise la restauration à la fois sur terre et en mer, ce qui profite non seulement aux dugongs mais aussi aux habitants de la région.

Mirey Atallah, responsable du service "Climat pour la nature" du PNUE

Afin de préserver les zones clés pour la biodiversité, l'agence pour l'environnement (en anglais) d'Abu Dhabi a élaboré des plans visant à assurer la reconstitution des pêcheries, la restauration des mangroves et des herbiers marins, et la réhabilitation des récifs coralliens.

Les scientifiques espèrent que le projet donnera des résultats positifs pour la population régionale de dugongs, qui, par le passé, ont été recensés par milliers au large des Émirats arabes unis et d'autres pays du Golfe (seule l'Australie possède une population plus importante). Quatre espèces de tortues, trois types de dauphins et un grand nombre des 500 espèces de poissons présentes sur les côtes et les îles d'Abu Dhabi devraient également en profiter.

Les écosystèmes restaurés devraient séquestrer de grandes quantités de carbone et fournir des avantages économiques grâce aux emplois, à l'approvisionnement en nourriture et à l'éco-tourisme.

En 2017, un blanchiment massif des coraux a tué plus de 70 % des coraux de la mer d'Abu Dhabi, mais le pays consacre désormais ses efforts à la restauration des mangroves, des coraux et des herbiers marins afin que les dugongs, les tortues de mer et nos communautés côtières puissent prospérer.

Quelque 7 500 ha de mangroves ont déjà été restaurés dans le cadre de ce projet, que les autorités souhaitent achever d'ici à 2030. Cette date marque la fin de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes et le moment où les pays visent à atteindre les objectifs de développement durable ainsi que les cibles de l'Accord de Paris sur le changement climatique.

Le rôle de la restauration des écosystèmes dans la lutte contre les crises du climat et de la biodiversité et dans la réduction du risque d'extinction sera à l'ordre du jour lorsque les dirigeants mondiaux se réuniront à Montréal en décembre pour adopter le cadre mondial de la biodiversité post-2020.

 

Des écosystèmes sains et riches en biodiversité permettent la vie sur Terre. Malgré la valeur de la nature, celle-ci se détériore dans le monde entier, et ce déclin devrait s'aggraver si l'on maintient le statu quo. Du 7 au 19 décembre, le monde se réunira à Montréal à l'occasion de la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) afin de conclure un accord historique destiné à orienter les actions mondiales en faveur de la biodiversité jusqu'en 2030. Ce cadre devra définir un plan ambitieux qui mette en œuvre une action de grande envergure dans tous les secteurs pour s'attaquer aux principaux facteurs de perte de la nature et faire en sorte que, d'ici à 2050, la vision commune d'une vie en harmonie avec la nature soit réalisée. 

La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), menée par le Programme des Nations unies pour l'environnement, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et des partenaires, couvre les écosystèmes terrestres, côtiers et marins. Appel mondial à l'action, elle rassemblera le soutien politique, la recherche scientifique et les moyens financiers nécessaires pour intensifier massivement la restauration.