03 Sep 2019 Récit Climate Action

Les transformers : les champions de l'ONU qui ont osé réinventer leurs mondes

Un titan commercial doté d'un ordre du jour non conventionnel ; des spécialistes de l'alimentation qui réfléchissent autrement ; une exploratrice des océans dont le nom est devenu synonyme de conservation : ce ne sont là que quelques-uns des héros et héroïnes de l'environnement qui ont consacré leur vie à faire de leur vision des choses audacieuse une réalité pour un monde meilleur.

Ces pionniers ont tous remporté le prix Champions de la Terre du Programme des Nations Unies pour l’environnement, la distinction environnementale la plus prestigieuse au monde. Leurs actions ont incité d’autres individus à se joindre à eux dans leur lutte pour un monde plus sain, plus équitable et plus durable.

Alors que le compte à rebours est lancé avant l'annonce des Champions de la Terre de cette année et en prévision du Sommet Action Climat qui se tiendra à New York le 23 septembre 2019, l'énergie et la vision  des choses démontrées par les champions des années précédents sont plus nécessaires que jamais au moment où le monde s'efforce de prendre une décision décisive pour réduire les émissions de carbone avant que les pires effets du réchauffement climatique ne deviennent inévitables.

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, souhaite que les dirigeants mondiaux, les entreprises et la société civile se présentent au Sommet avec des plans concrets pour réduire les émissions de 45% au cours de la prochaine décennie et atteindre le niveau zéro d'émissions d'ici 2050, conformément à l'Accord de Paris sur le changement climatique et les objectifs de développement durable.

Ce qu'il faut, ce n'est rien de moins qu'une transformation complète des économies et des sociétés. En bref, c’est un travail pour les héros.

Heureusement, des citoyens modèles sont d'ores et déjà prêts à nous faire avancer. Les Champions de la Terre ont montré année après année qu’un réel changement est possible si les individus s’engagent à réorganiser leur mode de vie de manière à préserver les ressources de la planète et à assurer notre propre survie.

Nous passons ici en revue cinq champions de la Terre qui ont transformé leur propre monde.

Le magnat pionnier : Paul Polman, ancien PDG d'Unilever

Lauréat 2015 pour vision entrepreneuriale

Pendant plus de dix ans, en tant que directeur général du géant des biens de consommation Unilever, Paul Polman a toujours osé faire les choses différemment. Bien avant que le terme « durabilité » ne devienne un mot à la mode, il cherchait à dissocier la croissance économique de la dégradation de l’environnement et à accroître l’impact social positif d’Unilever.

Depuis sa démission l'année dernière, Paul Polman a poursuivi ses efforts pour placer le développement durable au cœur du commerce mondial. Il est président de la Chambre de commerce internationale et a récemment co-fondé la fondation Imagine pour contribuer à éliminer la pauvreté et à lutter contre le changement climatique en aidant les entreprises à atteindre les objectifs de développement durable. Il a annoncé la nouvelle sur Twitter, citant les paroles de la chanson de John Lennon : « Vous direz peut-être que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul. »

Paul Polman aimerait que des « dirigeants héroïques » mènent le changement vers une façon de faire des affaires plus sobre en carbone et plus inclusive. Cet appel cadre parfaitement avec l'une des six priorités définies par M. Guterres pour le Sommet Action Climat : mobiliser des sources de financement publiques et privées pour favoriser la dé-carbonisation de tous les secteurs prioritaires et faire progresser la résilience.

L'agenda ambitieux du sommet trouve un écho dans le cœur de Polman: en répondant à l'appel de Guterres appelant à une action urgente lors de la réunion, il a écrit : « Avec la multiplication des vagues de chaleur extrême, la nature nous dit ce que nous savons déjà : nous n’avons pas le temps de perdre du temps face au changement climatique. »

Les non-conformistes de l'alimentation : Beyond Meat et Impossible Foods

Lauréats 2018 pour la science et l'innovation

Le rôle de l'agriculture dans la production de gaz à effet de serre a suscité de plus en plus d'appels pour que les populations optent davantage pour une alimentation à base de plantes. Mais comment inciter les consommateurs avides de viande rouge à changer de comportement ?

Les fondateurs entrepreneuriaux de Beyond Meat et Impossible Foods, lauréat du prix Champions de la Terre pour avoir créé des alternatives durables aux hamburgers au bœuf, ont relevé ce défi avec enthousiasme.

Beyond Meat a collaboré avec des scientifiques de haut niveau pour éliminer les composants essentiels de la viande et les extraire des plantes, à l'aide d'ingrédients comme les pois, la betterave, l'huile de noix de coco et la fécule de pomme de terre.

Impossible Foods a adopté une approche légèrement différente pour arriver à un résultat similaire. L’équipe du directeur général, Patrick O. Brown, a découvert une molécule contenant du fer qui se trouve naturellement dans chaque cellule de chaque animal et de chaque plante et qui est responsable des saveurs et des arômes uniques de la viande. Ils ont utilisé cette découverte pour produire un hamburger sans viande.

Les deux sociétés ont profité d’une demande croissante, en particulier chez les jeunes consommateurs, pour des produits bénéfiques pour la planète et pour les êtres humains, prouvant qu’il était judicieux de tirer parti de cette soif de produits qui n'endommagent pas la planète.

Leur attitude positive est exactement ce dont nous avons besoin à l’échelle mondiale pour faire face à notre crise climatique.

Comme le dit Patrick O. Brown:  «Il existe d’énormes problèmes dans le monde, mais ils peuvent être résolus et nous allons les résoudre. Attendez un peu. »

Le fils du désert : Wang Wenbiao, président du groupe Elion Resources

Lauréat 2017 pour l'ensemble de ses réalisations

Lorsque Wang Wenbiao a acquis le marais salant de Hangjinqi en plein désert de Kubuqi en Mongolie intérieure en 1988, il s’est lancé dans une aventure qui le ferait monter au sommet de la plus grande entreprise privée du secteur des industries vertes, Elion Resources Group.

Tout comme les voyages les plus intéressants, le sien a débuté par un problème : comment rentabiliser le marais salant alors que le désert rampant avalait le lac salé, endommageant des équipements et rendant difficile le transport du sel vers le marché ?

Wang Wenbiao, qui a grandi à Kubuqi, s'est associé aux communautés locales et au gouvernement de Pékin pour lutter contre l'avancée des sables et donner de l'espoir aux 70 000 personnes qui luttaient pour leur survie. Ce faisant, il a montré comment l'industrie privée pouvait contribuer à la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l'environnement, tout en dégageant des bénéfices.

M. Wenbiao a créé un fonds spécial pour financer le boisement et a affecté un tiers de son personnel à la plantation d'arbres autour du lac. Il a également encouragé les populations locales à cultiver la réglisse, une plante résistante qui pousse facilement dans les déserts et qui est largement utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise. Elion a fourni aux habitants de la région des semences, des formations et d'autres formes de soutien, et a également acheté leur récolte à un prix équitable.

Aujourd'hui, environ deux tiers de ce désert ont été reverdis et Wang Wenbiao, surnommé le Fils du désert, affirme vouloir poursuivre son action à long terme.

« Verdir les déserts, c'est comme un marathon, tant qu'il y a un désert, mon marathon ne se terminera pas », a-t-il déclaré.

Le rêveur néerlandais : Boyan Slat

Lauréat 2014 dans la catégorie inspiration et action

L'inventeur hollandais Boyan Slat n'avait que 19 ans lorsqu'il a remporté le prix Champion de la Terre dans la catégorie inspiration et action, mais il était déjà un jeune homme muni d'une mission : nettoyer les océans des déchets plastiques à l'aide d'un barrage flottant révolutionnaire.

Depuis lors, Boyan Slat a concrétisé sa vision des choses avec le projet The Ocean Cleanup et, bien que son équipe ait été contrainte de rapporter le premier prototype au port, elle est maintenant retournée en mer, dans l'espoir de récupérer les trillions de morceaux de plastique qui étouffent nos poissons, tuent la faune marine, endommagent les récifs coralliens et transforment les plages en décharges.

La passion de Boyan Slat pour le projet reflète les préoccupations grandissantes du public. En 2017, le Programme des Nations Unies pour l'environnement a lancé sa campagne Océans Propres pour inciter les gouvernements, les entreprises et les citoyens à prendre des mesures, notamment nettoyer les plages, réduire l'utilisation de plastique et investir davantage dans des installations de recyclage.

Le système original de Boyan Slat, un flotteur en forme de U de 600 mètres de long avec une jupe fuselée de trois mètres de profondeur fixée pour emprisonner le plastique, a été lancé en septembre 2018 et remorqué vers la plaque de déchets du Pacifique Nord, une gigantesque houle de déchets d'une superficie deux fois supérieure à celle de la France.

Mais l'équipe chargée du nettoyage des océans a découvert que le flotteur ne retenait pas le plastique. Ils ont essayé de modifier la conception de la machine en mer, mais ont finalement été contraints de remorquer le système pour rentrer au port après sa rupture.

D'autres d'essais et modifications étaient nécessaires mais en août, Slat a déclaré que le système 001/B avait été apporté à la plaque de déchets du Pacifique Nord.

« Nous avançons prudemment en sachant que nous aurons peut-être plus d'opportunités d'apprentissage non prévues… Néanmoins, il est prudent de dire que nous sommes plus proches que jamais d'un outil capable de nettoyer définitivement ces zones de déchets », a-t-il écrit sur le site internet de The Ocean Cleanup.

« Sa profondeur » : Sylvia Earle

Lauréate 2014 pour son oeuvre de toute une vie

Sylvia Earle, pionnière renommée de l'exploration des grands fonds et biologiste marine distinguée, a consacré sa vie à l'exploration et à la protection des océans. Sa philosophie est simple: « Nous devons respecter les océans et en prendre soin comme si nos vies en dépendaient. Parce que c'est qu'ils font pour nous. »

Sylvia Earle, 83 ans, a passé plus de 7 000 heures sous l'eau au cours de plus de 100 expéditions, notamment en dirigeant la première équipe d'aquanautes et en établissant un record de plongée en solo à une profondeur de 1 000 mètres. Sa liste de titres élogieux est impressionnante : elle est appelée Her Deepness (Sa profondeur), une légende vivante, une héroïne de la planète et le visage de la biologie marine.

Sylvia Earle a été la première femme à occuper le poste de scientifique en chef de l'administration nationale des océans et de l'atmosphère et, depuis 1998, elle est exploratrice en résidence à la National Geographic Society.

Elle est également la fondatrice de Deep Ocean Exploration and Research Inc. et de la Sylvia Earle Alliance, ainsi que chef des expéditions Sustainable Seas de la National Geographic Society.

En 2009, elle a fondé Mission Blue, une alliance mondiale destinée à susciter le soutien du public en faveur de la protection d'un réseau de Hope Spots (points chauds de l'espoir), des lieux privilégiés indispensables à la santé des océans. L’alliance vise à accroître de manière significative la protection des océans d’ici 2020.

En 2014, elle a reçu le prix Champions de la Terre dans la catégorie oeuvre de toute une vie. Et son oeuvre se poursuit. Sylvia Earle parcourt toujours le monde, cherchant à inspirer les autres à l'aide de sa passion pour la préservation de nos océans.