21 Nov 2018 Récit Cities

Les villes de demain : le défi ultime de leur conception

Deux tiers de la population mondiale vivra dans les villes d’ici 2050, les zones urbaines représentent 70% des émissions de gaz à effet de serre et propulsent la planète vers un climat inconnu. Le défi est clair et urgent : il faut réinventer les villes.

« Nous nous trouvons à un tournant décisif », affirme Martina Otto, responsable de l'unité des villes à ONU Environnement. « Nous avons vu des administrations locales et infra-nationales se renforcer et prendre des engagements énergiques, par exemple lors du récent Sommet mondial pour l'action pour le climat à San Francisco. De plus en plus, il est largement reconnu que la planification urbaine est essentielle mais la capacité de planification fait souvent défaut. »

Pour Martina Otto, une « révolution de la planification » qui aboutira à des villes compactes à la structure stratégique, dotées de quartiers et de bâtiments polyvalents et mettant l'accent sur des systèmes urbains intégrés est nécessaire. Mme Otto aimerait également voir des toits et des murs verts, des corridors de biodiversité, des systèmes énergétiques décentralisés, complémentaires des réseaux et alimentés par des énergies renouvelables, ainsi qu'une meilleure utilisation des capacités inutilisées grâce à une économie de partage.

Dans un rapport publié cette année, le groupe international d'experts sur les ressources a déclaré que les villes doivent devenir sobres en carbone, économes en ressource et socialement justes. Le groupe d'experts, créé par ONU Environnement, affirme que la demande urbaine en ressources pourrait augmenter de 125% d'ici 2050, et qu'au moins 200 nouvelles villes seraient construites en Asie au cours des 30 prochaines années.

« Nous disposons d'une occasion unique pour transformer l'urbanisation prévue de manière plus durable sur le plan environnemental et socialement juste », indique le rapport. « Les décisions prises aujourd'hui pour les modèles d'urbanisation et d'utilisation des sols, ainsi que pour les infrastructures cruciales, détermineront si nos investissements sont pérennes ou s'ils nous emprisonnent dans une voie non durable. »

En 2015, les États membres des Nations Unies ont souscrit aux objectifs de développement durable, qui comprennent des objectifs spécifiques (l'ODD 11) visant à rendre les villes et les agglomérations « ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ». Martina Otto déclare que beaucoup de travail reste à faire car nous sommes « encore loin du niveau du degrés d'exécution que nous devons voir ».

Des mesures sont prises. En août dernier, 19 villes se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de manière significative tout en veillant à ce que les nouveaux bâtiments atteignent le niveau zéro carbone d'ici 2030. Tous les bâtiments répondront à cette norme d'ici 2050. La valeur zéro carbone signifie que la quantité totale d'énergie utilisée chaque année équivaut à l’énergie renouvelable créée sur le site et exige la réduction de l’intensité énergétique des bâtiments comme condition préalable.

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Photo : Pixabay /  Ho Chi Minh

Lancé par le World Green Building Council, cet engagement a été soutenu par C40 Cities, un réseau des mégapoles du monde entier engagées dans la lutte contre le changement climatique dont le but est de partager les connaissances tout en menant des actions constructives. Cela va également dans le sens de l’objectif de l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction, chapeauté par ONU Environnement, dans le but de progresser « vers un secteur des bâtiments et de la construction à faibles émissions, efficace et résilient ».

Trente-six villes ont adhéré à l'Initiative pour l'énergie de quartier dans les villes d'ONU Environnement, qui aide les gouvernements locaux et nationaux à stimuler leurs investissements dans des systèmes énergétiques modernes, en ayant recours à des technologies de canalisations souterraines isolées pour pomper de l'eau chaude ou froide dans plusieurs bâtiments afin de créer des synergies chauffage, climatisation, eau chaude sanitaire et électricité, ainsi qu'aux excédents de chaleur et de froid et aux sources renouvelables locales.

Ce type de solutions novatrices pour relever les défis environnementaux sera au cœur de la quatrième Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, en mars prochain. La devise de la réunion est de penser au-delà des schémas dominants et de vivre selon des limites durables.

Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les transports urbains. Certains pays, tels que la Grande-Bretagne, le Danemark, la France, l'Allemagne et la Norvège, envisagent d'interdire la vente de nouvelles voitures diesel et à essence dans les prochaines décennies. À Madrid, 24 rues ont été réaménagées pour être réservées aux piétons et d’ici 2020, les voitures ne pourront plus circuler dans les 2000 mètres carrés du centre-ville. En Italie, tous les véhicules à combustibles fossiles seront interdits de circulation dans le centre historique de Milan à l'horizon 2029.

La réduction des émissions générées par les automobiles est un élément majeur mais l'amélioration des réseaux de transport en commun est également essentielle. Un rapport de C40 Cities, de la Convention mondiale des maires pour le climat et l'énergie et du New Climate Institute a montré qu'une action climatique, telle que le doublement de la couverture et de la fréquence des réseaux et des bus dans les villes, pourrait éviter la mort prématurée de plus d'un million de personnes par an pollution et accidents de la route.

En 2013, la ville australienne d’Adélaïde a introduit le premier bus au monde électrique et solaire à son réseau. Il en existe d’autres exemples en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

La ville chinoise de Shenzhen est devenue la première ville à faire passer tous ses bus publics - plus de 16 000 véhicules - à l'énergie électrique. À Zhuzhou, les autorités exploitent un « train sans voie ferrée » électrique utilisant des capteurs sophistiqués qui suivent des itinéraires pré-planifiés. Néanmoins, il y aura toujours un prix environnemental à payer si l'électricité alimentant les bus est principalement produite à partir de charbon.

À Tallinn, en Estonie, les autorités ont mis en place le plus grand système de transport en commun gratuit d’Europe, permettant aux résidents et aux étudiants de voyager gratuitement en tramway et en bus. Lancé en 2013, ce programme a déjà entraîné une réduction annuelle de 7,5% des encombrements dans le centre-ville.

Au Vietnam, les autorités de Ho Chi Minh-Ville ont lancé, en partenariat avec la Banque mondiale un projet de développement des transports écologiques visant à réduire les embouteillages et les accidents de la route. L'élément fondamental de ce projet est un système de transport en commun rapide par bus de 23 km qui pourra transporter environ 28 300 passagers par jour.

Les bâtiments devront également être transformés. De nombreuses villes s'efforcent d'intégrer la durabilité dans les codes et règlements du bâtiment, parfois avec le soutien de Building Efficiency Accelerator, un réseau public-privé lié à l'initiative des Nations Unies pour l'énergie durable pour tous.

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Photo : ONU Environnement/ Duncan Moore

La ville de Mexico a élaboré de nouvelles réglementations, y compris des mesures d'efficacité énergétique pour les bâtiments neufs et rénovés. Dans la ville brésilienne de Salvador, les constructeurs bénéficient d'un baisse des taxes foncières lorsqu'ils ont recours à des technologies durables et réduisent leurs émissions. La capitale chilienne, Santiago, investit dans des améliorations de l’efficacité énergétique et des projets d’énergie renouvelable, notamment des projets de panneaux solaire sur les toits des logements.

La gestion des déchets constitue également un défi majeur, mais l’innovation est également en marche dans ce secteur. En Chine, Ningbo a reçu l'appui de la Banque mondiale pour une mettre en oeuvre une stratégie avancée de tri, de collecte et de traitement des déchets destinée à encourager le recyclage. À Delhi, en Inde, où plus de 9 000 tonnes de déchets sont générées chaque jour, une usine de compostage a été rouverte pour produire du compost et des combustibles dérivés de ressources provenant des déchets municipaux. L'usine traite 200 tonnes de déchets par jour et sa capacité va augmenter.

Martina Otto note que les pays en développement ne sont souvent pas assez équipés pour suivre le rythme de l'urbanisation. Un problème majeur est le manque de données et la capacité d'analyse. Les autorités ont également besoin de soutien pour concevoir et mettre en oeuvre planification durable, ainsi que des politiques intersectorielles.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des investissements dans des infrastructures (qui surviendront dans les 15 prochaines années) qui ne seraient pas les bonnes », déclare Martina Otto. « Les domaines clés de la gestion du climat et de la qualité de l'air et du bien-être des citoyens, sont les systèmes énergétiques, la mobilité et les bâtiments qui nécessitent tous des investissements à long terme qui nous contraindront pendant des décennies : nous devons nous assurer que tous ces investissements sont compatibles avec un développement urbain durable. »

Pour davantage d'informations sur le travail relatif aux villes mené par ONU Environnement, veuillez contacter : Martina Otto

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