28 Nov 2018 Récit Ocean & Coasts

Retour vers le futur : des innovateurs cherchent à remplacer le plastique

Quand le chimiste belge Leo Baekeland a inventé la Bakélite en 1907, ce matériau a été salué comme « le matériau aux mille utilisations ». La production de plastiques synthétiques a ensuite décollé au cours des décennies suivantes. Mais maintenant que le coût environnemental de ces matériaux miracles est de plus en plus clair, la recherche de solutions de remplacement est sur sa lancée.

Un volet de cette innovation se concentre sur les bio-plastiques : polymères obtenus à partir de matières premières renouvelables, y compris les déchets agricoles, les huiles et les graisses végétales, l’amidon de maïs et autres ingrédients. Les bioplastiques peuvent être créés à partir d’acides polylactiques (PLA) fabriqués à partir de sucres extraits de plantes ou de polyhydroxyalcanoates (PHAs) élaborés à partir de micro-organismes.

Un rapport récent a estimé que le marché mondial des bioplastiques pourrait représenter 35,5 millions de dollars américains d'ici 2022. Cependant, les scientifiques n'ont pas encore déterminé le coût environnemental total des bio-plastiques : tous les bio-plastiques ne sont pas biodégradables, l'incinération ou le compostage industriel est souvent nécessaire pour décomposer les bio-plastiques et pour le public, la meilleure façon de les entreposer après utilisation demeure incertaine. Enfin, les bio-plastiques peuvent également être plus coûteux à produire que les plastiques à base de pétrole.

D'autres préoccupations demeurent : certains experts craignent que les terres dédiées à la production alimentaire ne soient détournées de leur utilisation pour cultiver des matériaux destinés aux bio-plastiques, qui utilisent également des engrais et de l'eau. Certains bioplastiques libèrent du méthane lorsqu'ils se dégradent dans des décharges et peuvent également contaminer les processus de recyclage.

Un rapport (en anglais) d'ONU Environnement sur l'adoption de matériaux de remplacement précise que les polymères à base de biomasse présentent un grand potentiel seulement s'ils sont utilisés dans des systèmes en boucle fermée. « La promotion de ces matériaux comme solution "plus écologique" n’est pas justifiée en l’absence de fourniture effective de composteurs industriels ou d’installations de digestion anaérobie », affirme le rapport.

La chasse aux solution de remplacement est urgente. Pour lutter contre la pollution marine, comme l’a souligné la campagne Océans Propres d’ONU pour l’environnement, nous devons trouver de nouveaux moyens de concevoir et de réutiliser les plastiques dont nous ne pouvons nous passer.

Dans l’espoir d’inspirer les pionniers, la Fondation Ellen MacArthur a organisé un concours pour l'invention de matériaux circulaires (en anglais) doté d'un prix d'un million de dollars américains afin de dénicher les meilleurs modèles de matériaux pour remplacer les emballages utilisés pour les sauces, le café et les collations.

Les lauréats de cette année comptait une équipe de l’Université de Pittsburgh qui utilise la nanotechnologie pour créer un matériau recyclable destiné à remplacer un emballage multicouche complexe et non recyclable. L’équipe a fabriqué des emballages à partir de couches de polyéthylène, faciles à recycler, et a reproduit les qualités d’autres plastiques en modifiant la structure à l’échelle nanométrique.

Ces innovateurs talentueux incarnent le type de réflexion originale qu'ONU Environnement espère présenter lors de la quatrième Assemblée des Nations Unies pour l’environnement en mars prochain. La devise de la réunion est la suivante : penser au-delà des schémas en vigueur et vivre selon des limites durables.

ONU Environnement a mis en exergue certaines idées révolutionnaires dans son rapport sur les solutions de remplacement du plastique, dans trois catégories : les fibres naturelles issues de plantes et d'animaux, les bio-polymères synthétiques compostables à base de biomasse et des matériaux réutilisables, durables et non plastiques. L'objectif était d'informer les entreprises, les entrepreneurs et les chercheurs en fournissant des exemples concrets.

Voici d'autres solutions innovantes :

  • Les designers Vlasta Kubušová et Miroslav Král ont créé une solution de remplacement du plastique entièrement naturelle à base d'amidon de maïs, de sucre et d'huile de cuisson. Le Nuatan est considéré comme suffisamment sûr pour être ingéré par les poissons, a une durée de vie de 15 ans, résiste aux températures très élevées et est biodégradable. Les concepteurs, qui ont travaillé avec l’Université de technologie slovaque, cherchent des collaborateurs pour réduire leurs coûts de production élevés.
  • L'Académie chinoise des sciences affirme que des scientifiques ont mis au point un composite de polyester qui réagit avec l'eau et se décompose en laissant de petites molécules non polluantes. Les travaux ont été réalisés par des chercheurs souhaitant mettre au point des plastiques biodégradables dans lesquels les microbes naturels pourraient se décomposer en dioxyde de carbone et en eau. Les chercheurs ont ajouté des composés hydrosolubles et hydrolysables à un polyester biodégradable.
  • Dell Technologies a mis au point un rembourrage en bambou pour remplacer la mousse dans ses cartons et a également fabriqué des emballages avec de la paille de blé produite à partir de déchets agricoles et de champignons. Cela a permis d'éliminer 9 millions de kilogrammes d'emballage et de réduire leurs coûts en énergie, eau, transport et production, tout en réduisant les émissions.
  • Des chercheurs de l’Université suédoise de Lund ont mis au point un thermoplastique à base d'épluchures de pomme de terre et d’eau qui peut se dégrader dans la nature en deux mois. Potato Plastic produit des couverts, des pailles et d'emballages pour le sel compostables en chauffant un mélange d’eau chaude et de fécule de pomme de terre, en versant le liquide dans un moule et en le mettant au réfrigérateur. La fécule de pomme de terre est extraite des épluchures en provenance des fast-foods ou des pommes de terre jugées impropres à la vente dans les supermarchés. La conception de ce produit, mise au point par un étudiant de Göteborg, a été sélectionnée pour le prix James Dyson.
  • En Floride, Saltwater Brewery utilise des sous-produits de la bière pour fabriquer des anneaux pour packs de 6 à base de blé et d'orge pouvant être consommés en toute sécurité par la faune marine. Les anneaux sont biodégradables et compostables ainsi que comestibles.

 

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Photo : Saltwater Brewery

  • L’Oréal a été récompensé cette année par le Prix de l’innovation dans le domaine de l’emballage pour les flacons et bouteilles de la gamme de produits "Seed Phytonutrients" respectueux de l'environnement et fabriqué à 100% à partir de papier post-consommation recyclé. La bouteille en plastique interne est également fabriquée à partir de plastique recyclé post-consommation à 100%, et contient 60% de plastique en moins qu'un emballage rigide de taille comparable. L’Oréal s’est associé à Ecologic pour créer ces flacons.
  • La start-up britannique Skipping Rocks Lab a mis au point Ooho, un emballage pour liquides comestible fabriqué à base d'extraits d'algues. La startup indique que les emballages durables se dégradent dans un environnement naturel en six semaines en moyenne et que les matériaux exclusifs sont moins chers que le plastique. La société a remporté de nombreux prix, dont le UK Energy Globe Award 2016.
  • NatureFlex est une gamme de biofilms développés par Futamura à base de pâte de bois provenant de pépinière éco-responsables. Les films utilisent de nouvelles résines thermoscellables et conviennent au compostage industriel et domestique.
  • La société française Lactips a mis au point un emballage thermoplastique breveté à base de caséine, la protéine présente dans le lait. Le plastique, fabriqué à partir de lait impropre à la consommation humaine, est utilisé pour l'emballage de dosettes de lessive, mais la société souhaite se développer dans l'industrie alimentaire. Le produit est soluble dans l'eau et biodégradable.

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Photo : Lactips

Dans son rapport sur les solutions de remplacement du plastique, ONU Environnement a souligné que l'objectif général de la recherche et de l'innovation devrait être de réduire la dépendance de la société vis-à-vis de l'utilisation inutile de plastiques, en particulier de sources de combustibles fossiles.

« Les solutions potentielles devront prendre en compte les différences régionales et locales des conditions sociales, économiques et environnementales. Il est important de prévoir et d’éliminer les conséquences imprévues. Par exemple, les solutions de remplacement du plastique ne doivent pas être produite au détriment de la sécurité alimentaire ou de l’accessibilité économique en utilisant des cultures vivrières de base telles que le manioc à des fins non alimentaires », affirme le rapport.

Cela aurait pu surprendre Leo Baekeland et les inventeurs pionniers, qui ont passé si longtemps à essayer d'imaginer des solutions synthétiques durables plutôt que de recourir aux richesses de la nature, mais beaucoup d'innovateurs d'aujourd'hui reviennent vers elle afin de trouver des solutions aux problèmes existentiels de notre planète, notamment la pollution par les plastiques.

 


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